Retenez bien leurs noms : Fitch Ratings, Moody’s, Standard and Poors. Ce sont les nouveaux maîtres du monde où plutôt devrais-je dire les nouvelles maîtresses. Car il s’agit bien des redoutables agences de notation, capables en un jour de renverser des gouvernements ou de chasser du pouvoir, plus surement qu’un coup d’état, les dirigeants fragilisés. Leur existence ne date pas d’hier mais jamais encore elles n’avaient eu une telle influence. Aujourd’hui notre pays vit dans la hantise de la perte de son triple A, certains n’hésitant pas à dire que dans les faits il l’a déjà perdu compte tenu des taux d’intérêts auxquels nous empruntons. En effet, alors que l’Allemagne emprunte à moins de 2%, nous empruntons à 3,20% (taux au 20/10/2011). A titre indicatif, la Grèce emprunte à près de 15%.
Cette pression est intolérable venant d’organismes dont l’indépendance, l’objectivité et l’opacité même des méthodes d’évaluation devraient nous inciter à la plus grande suspicion. Le fait qu’elles soient rémunérées par ceux qu’elles notent et qui sont aussi des émetteurs de dette, relève du conflit d’intérêt caractérisé. Comment apporter du crédit à des officines qui la veille de la chute de la banque Lehman Brothers lui accordait encore un A. Comment Moody’s et Standard and Poors ont-ils pu, en 2001, attribuer la meilleure note à la société Enron en catégorie « investissement » alors de quatre jours plus tard elle s’effondrait ? Il est aussi avéré qu’elles ont surcoté des produits financiers qui se sont révélés par la suite toxiques.
Enfin, concernant la Grèce, pas plus que d’autres elles n’ont joué leur rôle. Aucune alerte concernant les comptes de ce pays et ses tricheries n’a été émise dans les mois précédents la crise. Au contraire, récitant une partition parfaitement rôdée, elles ont joué les pères fouettard en dégradant la note grecque entraînant une hausse des taux d’intérêts permettant aux prêteurs et spéculateurs de s’engraisser sans prendre de risque au niveau d’un quelconque défaut de paiement grâce à la garantie de la zone euro et du FMI. En abaissant ainsi brutalement et arbitrairement la note de pays en récession, elles ne font qu’aggraver leur situation alors qu’elles n’ont pas été capables, ou n’ont pas voulu sciemment, anticiper la crise. Elles baissent le pouce et le condamné est jeté aux lions.
Les états semblent impuissants à reprendre la main et ça n’est pas le pitoyable G20 de Cannes, pourtant placé sous présidence française, d’où aucun résultat concret n’est sorti qui va modifier les choses. Le mot d’ordre y fut de rassurer les sacro-saints marchés mais à aucun moment de s’intéresser au sort des peuples.
Dans cette partie de tir aux pigeons les premières victimes sont Papandréou et Berlusconi en attendant le tour de Zapatero. Mais avant tout, ce sont les peuples italiens, Grecs et espagnols qui subissent de plein fouet les effets conjugués de la crise et des erreurs de leurs dirigeants. Notre gouvernement est lui aussi suspendu à la décision des agences de notation. Victime d’un système qu’il a, et continue d’encenser, il a décidé de les caresser dans le sens du poil en sacrifiant sur leur autel les conditions de vie de ses concitoyens. Il y va d’un nouveau plan d’austérité alors que le bon sens eut voulu qu’il y aille d’un plan de relance. Les dirigeants visionnaires n’ont jamais agi autrement pour sortir leur pays de la crise. A la grande récession de 1929, Roosevelt répondit par le « New Deal » en relançant l’économie par un programme de grands travaux, en aidant les plus défavorisés et en réformant le système bancaire. Sarkozy lui supprime l’impôt sur la fortune, augmente la TVA, taxe les mutuelles et aggrave ainsi les conditions de vie des plus humbles. L’article de mon excellent camarade Jérôme Baylac met par ailleurs en évidence les cadeaux fiscaux concédés aux plus riches sous le règne de Sarkozy.
Au cours des débats des primaires citoyennes les candidats socialistes ont brillamment tordu le cou à l’idée reçue selon laquelle nous ne savions pas parler d’économie, domaine de compétence réservé de la droite depuis Giscard d’Estaing. La crise ne fut pas éludée et chacun exposa longuement ses propositions pour faire autrement, chiffres à l’appui. Tous, ou presque, avaient lu Keynes dans ce qu’il a de meilleur et prônèrent la sortie de crise par une relance de la consommation et non par un repli frileux sur soi comme le fait le gouvernement. Le financement des mesures proposées fut expliqué et chiffré ce qui nous attira l’ire de la Droite et des économistes asservis car bien sûr l’essentiel de ces mesures reposait sur une contribution largement accrue des plus riches, par une remise à plat du système bancaire et pas la suppression de nombreuses niches fiscales, autant de sujet tabous chez nos adversaires.
Demain, le président socialiste devra s’atteler à la réforme du système bancaire en recentrant les banques sur leur cœur de métier qui ne doit en aucun cas être la spéculation. Des mesures énergiques et coercitives le cas échéant devront être prises mais en aucun cas de pieuses promesses échangées sur le balcon de l’Elysée ne seront à l’avenir suffisantes. De la même façon les niches fiscales permettant aux plus riches d’échapper à l’impôt seront supprimées et viendront financer la relance de l’économie et en corollaire la relance de la croissance. Enfin, notre candidat devra peser de tout son poids au niveau européen afin que soit rapidement créée une agence de notation européenne réellement indépendante afin que nous échappions à l’hégémonie des agences américaines derrière lesquelles on trouve notamment messieurs Hearst et Buffett, milliardaires bien connus.
Aujourd’hui, l’économie c’est, au même titre que le social, la sécurité, l’éducation, la recherche et l’avenir de la jeunesse, un des domaines de prédilection du Parti Socialiste; qu’on se le dise !