La méthode Coué …

Une bonne nouvelle est venue éclairer cet été maussade : notre gouvernement venait de trouver la solution miracle pour sortir notre pays du déficit abyssal dans lequel inexorablement il s’enfonçait. Niant toute responsabilité dans cette situation sans précédent et criant une nouvelle fois haro sur la crise, cause de tous nos maux, il faisait adopter le 13 juillet dernier, dans l’indifférence estivale, un projet de loi de réforme constitutionnelle visant à inscrire dans la constitution des règles prévoyant un retour progressif à l’équilibre budgétaire : la fameuse « Règle d’or » dont les médias serviles allaient se gargariser, tentant une nouvelle fois de nous faire prendre des vessies pour des lanternes.

La Règle d’Or allait permettre en 3 ans de revenir à l’équilibre budgétaire tant en ce qui concerne le budget de l’Etat que celui de la Sécurité Sociale. Des plafonds de recettes et de dépenses seraient fixés annuellement et devraient être respectés sous peine de voir les budgets proposés être annulés par le Conseil Constitutionnel. Nous ne pouvons qu’être béats d’admiration devant une telle trouvaille qui, en quelques mois et par l’effet d’une simple loi dite « loi-cadre d’équilibre des finances publiques », va nous sortir de l’ornière et sûrement nous valoir un prochain quadruple A de la part des agences de notation, les nouveaux Guides Michelin de la spéculation.

Devant le génie sarkozien nous n’avons plus, nous pauvres socialistes, qu’à nous incliner et répondre favorablement aux injonctions présidentielles d’entériner cette loi dans un bel élan de « courage » et d’unité républicaine. Nous devons battre notre coulpe et nous flageller jusqu’à l’os en maudissant les économistes à notre solde qui n’ont su enfanter une telle idée.

Mais alors pourquoi, hormis Ségolène Royal qui trouve qu’il s’agit d’une « très bonne règle », la majorité des socialistes est-elle contre une telle loi organique ? Par dépit de ne pas y avoir pensé les premiers ? Par opposition systématique à tout ce qui vient de l’Elysée ? Ou seulement et tout simplement après une analyse politique sérieuse telle qu’elle doit être menée par tout parti d’opposition responsable ambitionnant de gouverner notre pays ? Vous l’aurez compris, c’est cette dernière hypothèse qu’il faut privilégier.

En disant non à la « Règle d’or » nous montrons tout d’abord que nous ne sommes pas dupes de l’opération de communication montée par le gouvernement et nous renvoyons la Droite au pouvoir depuis 2002 à ses propres responsabilités en matière de creusement des déficits. Il est hors de question pour nous d’être complices d’une opération qui viserait à dédouaner totalement la majorité actuelle et à l’exonérer de sa gestion calamiteuse des affaires de l’Etat. Enfin, nous n’avons pas le droit de faire croire à nos compatriotes que par l’enchantement  d’une loi leurs problèmes vont être résolus. Nous ne sommes pas adeptes de la méthode Coué, celle que le gouvernement Sarkozy/Fillon pratique depuis son installation.

Par ailleurs, « la Règle d’Or » n’est pas une idée neuve. Elle vient tout droit d’Allemagne et date de 1949. Ce qui n’a pas empêché ce pays de déroger plusieurs fois à la règle pour s’endetter. Et si la norme a été revue en 2009 avec l’introduction d’une règle limitant le déficit de l’Etat à 0,35% du PIB (et seulement à partir de 2016), cette règle ne concerne que le « Déficit structurel » et non les effets que pourrait avoir la conjoncture économique sur les finances publiques, ce qui laisse la porte ouverte à toutes les dérives.

Mais les voix s’opposant à la généralisation d’une telle règle ne s’élèvent pas seulement de nos rangs. C’est ainsi qu’Herman Van Rompuy lui-même,  président de l’Union Européenne, a relativisé la « règle d’or » en la qualifiant de « simple plus dans la chasse aux déficits» et en affirmant que les gouvernements « n’en avaient pas besoin ». Il a ajouté que l’important était que les Etats fassent réellement les choses et « qu’ils n’ont pas besoin d’une telle règle car ils peuvent le faire sans une disposition constitutionnelle ».

De la même façon, « ça coince » au niveau de la Commission Européenne qui doit composer avec des pays qui ne sont pas tous sur la même longueur d’ondes d’où une nouvelle impression de cacophonie européenne. Le rappel qu’a fait la commission en disant « que le principe même des budgets en équilibre était déjà une pierre angulaire du Pacte de stabilité et de croissance de Maastricht, qui limitait les déficits publics des Etas à 3% de leur PIB », montre bien qu’elle considère qu’il est inutile d’ajouter une nouvelle disposition mais qu’il suffit de respecter ce qui existe déjà. Sachant que tous ce contrefoutent comme de leur première chaussette du traité de Maastricht et de ses contraintes budgétaires on ne peut qu’être septiques sur les effets d’une « Règle d’Or ».

Enfin pour ce qui nous concerne, ça n’est de toute façon pas gagné pour Sarkozy. En effet, si le projet de « Règle d’Or » a été adopté à l’Assemblé et au Sénat il l’a été avec les seules voix de la majorité. Dans de telles conditions, le gouvernement ne pourra jamais réunir la majorité des 3/5ème requise au Congrès (Assemblée et Sénat réunis à Versailles) pour graver dans le marbre cette « Règle d’Or », surtout si le nombre d’élus de gauche progresse avec le renouvellement de la moitié du Sénat fin septembre.

Pour l’heure Sarkozy n’a pas pris de décision quand à la convocation du Congrès. Déjà fort malmené dans les sondages il sait qu’il pourrait être encore plus fragilisé si cette révision constitutionnelle était finalement rejetée.

Derrière toutes ces dispositions techniques il y a de vrais enjeux politiques mettant clairement en évidence le clivage Gauche /Droite. Avec cette « Règle d’Or » il s’agit avant tout de rassurer les marchés, les spéculateurs, les agences de notation, en un mot tout un système responsable de la crise qui, au lieu de se trouver sanctionné, se voit conforté dans ses comportements. Je lisais récemment une pensée d’Einstein résumant bien la situation : « On ne peut résoudre un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré ». A méditer……

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